[Nouvelle] Akumu (Cauchemar)

Saoko me suivait partout, pas à pas. Tantôt bavarde impénitente, tantôt silencieuse comme un chat à l’affût. Elle savourait chaque instant en ma présence. Elle a insisté pour que je lui enseigne comment combattre de la mauvaise main, comme si je l’avais vraiment su à l’époque ! J’ais tout d’abord refusé, mais devant son insistance, j’ais dû déposer les armes. Ce fut un bien, car avant de lui montrer, je devais tout d’abord étudier mes propres mouvements, redécouvrir ce que j’avais utilisé pendant la bataille. Souvent, je ne comprenais pleinement les gestes qu’en la voyant essayer de les mettre en œuvre. Sans le savoir elle m’en a plus appris sur ma situation et moi même, qu’aucun sensei de mon école ne le pourra jamais.

Heureusement… Car aujourd’hui, je remercie mille fois Saoko de m’avoir poussée. Je suis de retour à mon école, et deux sensei m’ont déjà fait savoir que je ne pourrai plus suivre leur enseignements. Toute héroïne que je sois, je ne suis plus à même de m’entrainer correctement selon eux. Passé le premier choc, c’est la rage qui m’envahit. Je m’en vais leur montrer… Je demande audience à Shikara sensei. C’est ma préférée parmi tous les enseignants. Bien que très agée, elle a gardé une joie enfantine et sait faire passer ses préceptes même aux plus récalcitrants. Maniant les plaisanteries tout autant que le sabre pour démontrer son point de vue, elle est une légende vivante. Je sais que si elle me soutient, j’aurai une chance de montrer mes qualités. Une chance… C’est tout ce que je demande…

Quand elle me reçoit, elle est attablée. Devant elle une petite collation comme elle se plait à dire. Quelques gâteaux, friandises, et du thé vert, pour la santé se complait elle à répondre à toute personne lui demandant si son régime est bien approprié. « Yoshida san ! J’ai beaucoup entendu parler de toi dernièrement… Tu te fais remarquer. Tu sais pourtant que l’humilité est la voie de la sagesse… » Interloquée, je m’apprète à répondre quand je découvre le sourire malicieux de Shikara sensei. Je me tais. Elle reprend : « Aurais tu appris quelque chose finalement ? J’en suis heureuse ! Dommage qu’il ait fallu de tels évènements… Tiens, prends donc un de ces gâteaux de soja. Tu m’en diras des nouvelles » Sur ce elle en prend un à une vitesse surprenante et le met tout entier dans sa bouche, puis le laisse doucement fondre avec un air de satisfaction non dissimulé… Je me sers, mais préfère manger le mien par petites bouchées. Le silence n’est perturbé que par de légers bruits de succions et de mastications. Lorsqu’elle reprend la parole, je manque de m’étrangler. « Es-tu prête pour ton épreuve de ce soir ? Il te reste moins d’une heure !…
- … Une épreuve ?… Quelle épreuve ?…
- Ton épreuve ! Quelle autre ?
- Mon… épreuve ? Mais…
- Tsss… Ne me dis pas que tu n’as pas regardé le tableau des élèves ! Tu as oublié plus que je ne le pensais durant ces mois de guerres… Tu devrais t’y rendre sur le champ. Et prends un autre gâteau, tu en auras besoin… », conclut-elle facétieusement.
Je lui obéis, glisse un gâteau dans un mouchoir que je dispose dans mon obijime, la salue, et enfin me retire. Une fois, sortie je me précipite vers la place centrale de l’école…

Le panneau des élèves qui indique leur statut, leur affectation, ainsi que leurs corvées et programmes de travail ! Que n’ais-je pensé à m’y rendre ! Quand j’arrive sur la place, j’aperçois les immenses panneaux de bois où sont accrochées les plaquettes indiquant toutes les activités de chacun. L’un en particulier est entouré d’une foule nombreuse, celui de ma promotion. Elles s’écartent lorsque je m’approche. Plus un bruit. Je cherche ma plaquette… Je fais tour à tour toutes les catégories d’enseignements, elle ne s’y trouve pas. Je finis diriger mon regard vers le tableau d’avancement. Elle est là ! Surmontée de la plaquette de Shikara sensei ! Cela signifie qu’elle a décidé de me présenter aux tests d’aptitudes pour changer de niveau. C’est un risque. Dans une école aussi élitiste que la notre, seules les plus méritantes sont présentées par leurs Maitres. Et encore faut il l’aval de deux sensei au moins… En effet, si une élève ne réussit pas, la réputation de ses enseignants risque d’en pâtir. Shikara sensei me présente, seule… Et ce alors même que je viens de revenir après plusieurs mois d’absence, passés à combattre les troupes du clan du Scorpion, et le bras droit en moins. Pourquoi ?… Je me reprends. Un anneau fixe ma plaquette sur le fin pieu de bois sortant du panneau. Un seul ! Il n’y aura qu’une unique épreuve. Aucun droit à l’erreur… Qui seront les responsables des épreuves ? Chido sensei et Chihara sensei ! Non ! Les deux Maîtres qui m’ont rejetée…

En attendant d’être introduite dans le dojo, je me concentre en repensant à ce que la fillette m’a dit « Ta vie est liée à mon existence… ». Je n’ai pas le droit d’échouer, je dois lui faire honneur, ainsi qu’à ma famille, mes sœurs mortes au combat, et tous mes Ancêtres… Quelle que soit l’épreuve je réussirai !

Le dojo est plein. Tous les élèves et les sensei sont présents, assis sur les cotés… Chido sensei et Chihara sensei m’attendent au centre. Un sourire mauvais apparaît sur le visage de Chido sama. Chihara sama, elle est imperturbable. C’est elle qui prend la parole : « Yoshida san, Shikara sensei a décidé de vous présenter aux épreuves d’avancement de notre école. » Shikara sensei a donc bien pris la décision seule, certainement contre leurs avis… « Chido san, et moi même avons été nommés responsable de la réalisation de vos tests d’aptitudes » Le sourire sur le visage de Chido sensei, se fait méprisant… « Eut égard pour la réputation que vous vous êtes faites ces derniers mois, nous avons décidé de vous soumettre à une unique épreuve à la mesure de la valeur qui vous est prêtée… » Chido sensei tape dans ses mains. De l’autre côté du dojo, s’ouvrent les portes réservées à ceux qui viennent défier notre école. Trois samurai entrent. Tout d’abord deux ronin, plutôt bien bâtis, plus agés que moi de quelques années. En arrivant à mes côtés ils saluent les arbitres. Puis arrive une samurai-ko. Lorsqu’elle entre dans la lumière des torches, je découvre en même temps que l’assistance le bleu azur de son kimono, et pire encore, le mon sur son cœur… Kakita ! Un brouhaha se développe dans la salle. Elèves aussi bien que sensei, ne semblent pas goûter la plaisanterie. Autoriser une Kakita à entrer ici ! Mais que peuvent bien avoir en tête Chido et Chihara sensei ?… Cette dernière laisse la parole à son acolyte : « Ces samurai ont demandés l’autorisation de comparer leur style au nôtre afin de prouver leur valeur et l’intégrer. » dit-il en indiquant les deux ronin. « Vous les affronterez. Quant à cette noble dame, elle a désiré rencontrer une de nos légendes. Il m’est apparu que vous en étiez devenue une récemment, j’ai donc pris la liberté d’accepter la confrontation pour vous. Acceptez vous, Yoshida san ? » Je ne puis refuser, ce serait une perte de face pour mes professeurs, et pour l’école tout entière… « Haï ! Je ferais comme il vous plaira ». Le regard de Chido sensei devient réellement malsain. « Commes nous ne pouvons décemment pas faire attendre notre noble invitée, je propose que votre affrontement ait lieu avant votre épreuve. Vous n’y voyez pas d’inconvénient ?
- Ie.»

Je me tourne vers mon adversaire, m’incline, et me présente : « Hajime machite, Matsu Yoshida desse. Dozo Yorochiku
- Hajime machite, Kakita Aomi desse. Dozo Yorochiku. Je suis enchantée de vous rencontrer Yoshida-san. »
Aomi ? Kakita Aomi ? J’ai entendu parler d’une samurai ko se nommant ainsi. Mais si c’est bien elle, nous ne sommes pas du même niveau. Elle est réputée être le second aide de son sensei. Qu’est ce qui prend à mes anciens Maîtres de me laisser l’affronter au nom de notre école ?…
« Moi de même, Aomi san. J’ai beaucoup entendu parler de vous. Je tâcherais de me montrer à la hauteur de votre réputation.
- Si vous êtes à celle de la vôtre, cela me suffira amplement, Yoshida san. »
Le public s’agite. Je me mords la lèvre. Sous ce visage angélique se trouverait il l’âme d’un démon ? La provocation confine à l’insulte, et pourtant elle reste imperturbable, souriante, et on la croirait aisément aimable… « La colère ne sert à rien si tu ne sais la maîtriser. Deviens son esclave et tu périras. Domine la et tu vaincras… » Je ne sais plus qui m’avait dit cela. Etait-ce Shikara sensei ou la fillette ?… Peu importe, elle a raison. Je dois me contrôler. Je déserre la mâchoire et souris à nouveau.
« Le choix de l’arme est votre, Aomi san.
- J’avoue que j’aimerai un jour me comparer à vous en situation réelle. Tout ce qu’on dit de vous m’a beaucoup impressionnée… Mais pour cette fois, comparons nos styles au boken, je vous prie.
- Avec plaisir… »
Cette fois encore, ses dires peuvent être mal interprétés, et pourtant je la crois sincère. Qu’est-ce qui me prend à moi aussi de faire confiance à une Kakita ?!…

Une fois nos sabres déposés, et un boken choisi, nous nous mettons face à face. Chido sensei semble un peu déçu. Il lance pourtant le combat. « Saluez !… Combattez ! » Alors, qu’Aomi san reste en position boken au coté la main droite à peine posée sur le pommeau, je me positionne avec mon arme tendue derrière moi, pointe vers le sol. J’ai remarqué en « enseignant » à Saoko, que sans le bras droit cette position peut être poussée plus loin et devient plus gênante pour l’adversaire. Outre le fait qu’utiliser la main gauche n’est pas du tout usuel, cela confronte ce dernier à un angle d’attaque tout à fait inhabituel, voire contraire à toute logique martiale. J’espère que cela atténuera quelque peu l’écart entre nous… Cà ne lui fait ni chaud, ni froid. Elle ne bouge pas d’un iota. Dois-je changer de posture ? Dois-je me déplacer ?… Ceci n’est pas un duel de Iaijutsu, et de nombreuses possibilités sont disponibles… Non ! Je suis persuadée que sa nonchalence n’est pas aussi entière. Personne ne peut l’être à ce point face à une technique ou une posture inconnue… Je persiste. J’étudie sa position en son ensemble, puis observe certains points particuliers. Son souffle. Il est parfait… Ses jambes. Légèrement fléchies, la gauche reculée d’un pas, ce qui contrebalance son buste légèrement penché en avant. Une position parfaitement classique de dégainer et frapper. Ses Mains. La gauche soutient le katana, tandis que la droite ne fait qu’effleurer le pommeau. Certains préfèrent tenir franchement le pommeau, mais Shikara sensei m’a expliqué que cela pouvait mener à trop se concentrer sur sa prise plutôt que sur l’adversaire. Chacun son choix. Le sien lui convient de toute évidence… Que faire ?…

En d’autres circonstances je me serais retirée. J’aurais reconnu sa supériorité. Cependant, je ne puis aujourd’hui. Ce serait inacceptable. Je représente mon école… Mon Dojo… Lors de ce genre de défi, il est impossible de simplement reconnaître la force de son adversaire, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une confrontation entre deux familles antagonistes depuis la nuit des temps…

Le temps passe sans qu’aucune de nous ne bouge. Il faudra bien que le premier pas soit fait pourtant ! Et si je le faisais ? Oui, mais comment ? Une attaque franche ? Une feinte ? … Soudain, elle modifie sa posture ! Elle recule le pied droit… Redresse le buste… Tourne son boken ?… Elle se met en position de salut ! Je fais de même, cachant ma surprise du mieux que je le peux...

« Yoshida san, merci ! Cela faisait longtemps que je n’avais trouvé une technique suffisamment intéressante pour me perturber, et devoir l’étudier plus avant. J’espère que nous nous reverrons. J’y tiens ! », me félicite-elle en saluant. « C’est un grand honneur que vous me faites, Aomi san. Ce sera un plaisir partagé que de vous revoir. » Je la salue profondément. Elle se tourne vers les juges, les salue, puis demande à prendre congé. Elle sait qu’aucun étranger ne peut assister aux épreuves de notre école. Son dernier regard vers Chido sensei, en dit long. Plus que le contentement d’avoir découvert une nouveauté, le fait de ne pas lui avoir donné satisfaction, je ne sais toujours pas laquelle, l’enchante. Cela n’en rend celui-ci que plus amer à mon égard… Il serre les dents...

La prochaine fois, il ne me faudra pas espérer un tel dénouement… Le dojo reste scrupuleusement silencieux. Bien que le soulagement puisse se lire sur de nombreux visages, l’assistance reste dans l’expectative…

Après le départ de cette invitée surprise, Chihara sensei prend la parole : « Yoshida san, ne vous déconcentrez pas. Votre épreuve commence… Rei ! … Hajime !». Les deux ronin se mettent en mouvement immédiatement. Ensemble. Au temps pour moi… Je pensais les affronter l’un après l’autre. Ce sera un combat à couteaux tirés, si je puis dire… Je me déplace latéralement, pour fermer l’angle de celui qui est sur ma droite, et si possible les forcer à se gêner l’un l’autre. Ils réagissent bien, et au contraire se séparent. Je dois me tourner pour les maintenir tous deux de face, et ne pas offrir mon coté à l’un d’eux. De toute évidence, ils sont habitués à combattre de concert. Je tente une feinte sur celui de gauche pour frapper son compagnon. Non contents d’éventer ma feinte, ils contre-attaquent avant même que je ne l’ai finie ! Je reçois deux coups, l’un sur l’épaule droite, l’autre dans la jambe gauche. Coups portés. Ca ne plaisante pas… Kso ! Je suis mal partie… Ils veulent profiter de ce nouvel avantage, et me pressent. Je dois reculer… Attaque à droite ! Je tente d’esquiver, et du coup c’est à gauche que je suis touchée… J’ai mal… Et pourtant ce n’est rien comparé à la douleur que j’avais ressentie en perdant mon bras. Je suis devenue faible. Combien de temps vais-je tenir ? Il faut que je trouve une solution… Une fraction de seconde je tourne les yeux vers Shikara sensei, et je me prends deux coups supplémentaires… J’ai juste eu le temps de voir son regard habituel de reproche quand je perds ma concentration. Pas étonnant, je me conduis comme une débutante…

Cela suffit ! J’ai combattu ! J’ai perdu mon bras d’arme ! J’ai sombré ! Et je ne suis revenue à moi que par miracle ! J’ai survécu à mes consoeurs ! Je ne peux pas les déshonorer plus encore !

Soudain, je revois l’infante à mes côtés lors de la bataille, immobile et sereine…

Je baisse mon boken et me tourne…

Je présente mon coté droit à mes deux adversaires. Ils hésitent un instant. Un moment de trop. Je fais volte-face, et ce faisant porte un coup puissant au premier sur la trajectoire de mon sabre. Avant que le second ne puisse réagir, emportée par mon élan je lui saute dessus genoux en avant. Il ne peut pas esquiver ma charge. Je le touche en pleine poitrine. Tous deux accusent le coup, titubent et reculent. Je rugis, ma fureur retrouvée, et j’assène coup sur coup à celui que j’ai frappé en dernier, laissant son compagnon dans mon dos. Il esquive tant bien que mal, dévie certaines frappes, mais pas toutes. Il cède très rapidement du terrain, de plus en plus. Ma nuque me picote. Je sens un danger derrière moi. Le monde devient sombre. Le temps se ralentit... Je roule à terre, puis me relève d’un coup de rein et dans le même mouvement je frappe !...

La lumière revient. Le temps reprend son cours…

Le lâche qui pensait m’atteindre de dos, s’est figé, son boken encore levé au dessus de sa tête. Je l’ai touché en pleine mâchoire. Du sang commence à couler de sa bouche. Son regard est vitreux. Pas de temps à perdre ! Je me tourne vers son compagnon. Il a peur... Non, il est terrifié… En me voyant approcher, il laisse tomber son arme et se jette à terre, en implorant ma miséricorde. J’entends le son mat d’un corps qui s’écroule… Chihara sensei sourit. De Maître Chido je ne vois que le dos. Il part précipitamment, sa démarche raide montre sa colère… Et le dojo est submergé des hourras des élèves…

La foule de mes doshi se presse autour de moi. « Yoshida kohai ! Bravo ! Je n’aurais pas mieux fait moi-même ! », me dit une de mes aînées. « Yoshida kun ! Quand tu auras ta propre unité, je demanderais à y être mutée ! », me dit une autre doshi plus jeune. Plusieurs acquiescent à sa promesse. Chihara sensei est allée rejoindre Shikara sensei. Elles se saluent, puis s’en vont. Shikara sensei s’éloigne après m’avoir simplement souri. Comme j’étais présomptueuse de penser que seule Saoko pouvait m’apprendre quoi que ce soit sur moi et ma situation. A présent je sais. J’écouterais et ferais mienne toute leçon qui me sera donnée. Apprenant et m’améliorant toujours plus. Jusqu’à ce que la fillette vienne me chercher. Lorsqu’elle aura besoin de moi je serais prête. Je la suivrais quoi qu’il m’en coûte, où qu’elle me mène… Je la suivrais… Je lui appartiens…

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Près de trois années se sont écoulées… Je suis à présent Gunso, et certaines de mes doshi m’ont effectivement rejointe. Je suis respectée, voire révérée. Cependant, un petit nombre me méprise, voire me déteste. Toutes d’anciennes élèves de Maître Chido. Celles-là me tiennent rigueur du départ de leur sensei préféré. Personne ne sait exactement de quoi il retourne, mais tous s’accordent à penser que cela fait suite à mon épreuve de passage. Depuis, les rares nouvelles qui circulent indiquent qu’il a rejoint les forces de combats. Rien de plus…

J’ai beaucoup progressé, et mûri, m’assurent Chihara et Shikara sensei. Je suis même devenue la troisième élève de cette dernière. Au grand bonheur de ma famille et surtout de ma sœur Saoko qui a intégré l’école il y a un an. Pourtant je me sens incomplète. Tout ce temps… Tous ces jours, ces mois… Et je ne l’ai pas revue. Pas une fois… Où peut-elle bien être ? Ma Maîtresse…

Mon unité a été envoyée au front maintes fois. Le plus souvent contre les Scorpions, mais cette fois ce sera contre des troupes du clan de la Grue. Une offensive est lancée pour reprendre des terres volées par les Doji. Comment peut on dire volées, alors qu’elles leur ont été attribuées à la Cour Impériale, je ne sais… Estorquées, peut être ?... Qu’importe ! Je suis ici pour faire mon devoir. J’obéis.

Notre général exhorte les troupes, rappelant ses hauts faits aussi bien que ceux de chaque commandant et des unités célèbres présentes. La plaine tremble sous nos pas alors que nous avançons vers l’ennemi. Lui ne bouge pas. Les étendards bleus flottent tranquillement derrière la ligne immobile de leurs forces. Nos étendards claquent rageusement au vent alors que nous chargeons.

Le choc est terrible ! Le fracas est assourdissant ! Rapidement les lignes si bien ordonnées quelques instants auparavant, ne sont plus que confusion et engagements féroces… Mon unité fait corps à mes côtés. Garder une certaine cohésion est primordial. Je m’attends à être une cible privilégiée comme face aux troupes du Scorpion, mais les attaques ne semblent pas être organisées dans le seul but de m’abattre. Les soldats du clan de la Grue combattent honorablement. Quel plaisir ! Pas de coup en traître ! Pas de substance suspecte sur les lames ! Rien que la confrontation des guerriers ! …

L’action fait rage depuis de longues minutes. Déjà les rangs sont clairsemés. L’heure des confrontations particulières est venue. Je donne quelques ordres à mon unité, puis je m’avance à la recherche de défis… Le premier samurai à me provoquer est un hohei. Un jeune Doji tout frais moulu de son école. Je pourrai faire sortir du lait de son nez si je le pressais. Je ne m’arrête pas. D’un simple revers je le repousse sur le coté. Il trébuche, et est rattrapé par un homme plus mûr. Ce dernier donne un ordre bref, et le jeune guerrier se retire des premiers rangs. C’est bien mieux comme ça. Il aura peut être une chance de survivre… Le nouvel arrivant me salue de son sabre. Je lui réponds. Il s’avance tandis que les troupes alentours nous font place. Il est impressionnant de voir comment dans ces situations, des hommes et des femmes en train de s’écharper, s’écartent instinctivement des couples mortels qui se forment au cœur de la bataille…

Information