[2.12-MR] Pavillon des Soucis Éternels

Kei s'approcha quand elle vit Retsu s'agenouiller. Les gardes se mirent devant elle.

"Poussez-vous" dit-elle froidement.

Les porteurs de lanternes s'écartèrent devant sa vigueur.

*

- Avant de paraître mourir dans tes bras, j'ai passé un pacte qui m'engageais bien au-delà de ma vie... je ne savais rien, je voulais seulement rester avec toi, et quand un oni a manqué me dévorer, j'ai accepté l'aide de cet homme, ce maudit, ce Tseden qui m'a donné quelques jours pour te revoir et qui a détruit mes rêves.

Les yeux qui se tournaient maintenant vers Retsu n'avaient pas de pupille, seulement le vide de la nuit à la surface d'une cornée devenue noire. Les mains qui se tendaient vers lui ne rasaient même pas semblant d'avoir des os sous la peau, et de larges (larges ? Sur un surface d'un grain de riz, la taille d'une épine) plaques sombres et laiteuses marquaient la peau jadis brunie par le soleil.

Retsu hoqueta de surprise.

"Reika... Qu'as-tu fais ??"

"Tu... Tu as sacrifié ton âme... Pour moi ???"

"Je... Je ne valais même pas que tu sacrifie ta vie..."

- C'est ainsi. Je n'ai jamais été très raisonnable... en ce qui te concernait.

Retsu ferma les yeux, une larme venant couler le long de sa joue.

"Pourquoi as-tu fais ça, Reika..." demanda-t-il d'une voix chargée d'émotion.

Il inspira un grand coup avant d'essuyer la larme du revers de la main.

"Qu'attends-tu de moi ??" fit-il d'une voix plus posée.

Kei arriva à hauteur des deux personnes agenouillées. Elles étaient dos à elle. C'était bien une femme déjà. C'est bien ma veine tiens... Voyant qu'il ne se passait pas grand chose elle allait juste rester là à attendre. Ils parlaient simplement...Puis elle vit ses mains.

"Eh!!" cria-t-elle. Eh! Eh! quoi? Imbécile. Tu fais quoi maintenant?

Kei avait souvent vu des gens souillés... Mais à part ça, en terme de "créatures", elle n'avait rien observé d'autres que ce qui s'était produit lors de son gempukku... Son truc c'était plutôt les affaires louches, les trafics, les voleurs... Rien de si... dégueulasse? Elle n'était pas doué avec ça, pas habituée, pas prête?

Elle se retrouva avec son tetsubo dans la main. Elle ne souvenait même pas avoir bougé. Finalement, ce doit être un comportement réflexe.

- Je vais mourir.

Ce fut dit simplement, ans une once d'émotion, sans un tremblement.

- Avant cela, je voulais prier sur la tombe de mon père, te revoir et te dire quelque chose. Et t'embrasser avant de partir, si cela est encore possible, si... si je ne te répugne pas.

Retsu jeta un bref coup d'oeil aux gardes qui accompagnaient Reika.
Il vit Kei-chan, blême, le tetsubo à la main.

"Je t'écoute, Reika..."

- Il est revenu. Mon maître, l’homme qui m’a maintenue en vie, Tseden : celui-là même qui a lancé des oni sur vos infortunés camarades voici dix ans. Il est en ville, je sens son odeur. Malgré la Souillure, me croiras-tu ?

"Je te crois..." répondit Retsu d'une voix posée.

"A quoi ressemble-t-il ??"

C'est ça qu'on leur apprend sur le Mur ?

"Rien !? On ne vous apprend rien !!? " Ah... non ça c'était tout haut.

Déjà en temps normal elle aurait été paniquée. Mais qu'il ne bouge pas le petit doigt, c'était encore pire. C'était ce qui lui faisait penser que ce n'était pas possible... Elle devait rêver. Un rêve pourri.

- Il ressemble... il ressemble... à un sorcier noir, au regard de braise, flanqué de la sorcière Akemi. Méfie-toi de lui. je t'aime, et je ne veux pas qu'il t'arrive du mal.

"Je ferais attention. Merci de m'avoir prévenu..."

Lentement, péniblement, elle leva la main, toucha son épaule.

- Me repousseras-tu, mon aimé ?

Elle se rattacha le tetsubo sur le dos et fit demi-tour.

Shimokaze n'avait même pas bougé.

Elle repassa devant les porteurs de lanternes.

Elle n'avait jamais eu la tête si vide, on aurait pu lui souffler entre les deux oreilles, elle en était persuadée.

Elle remonta en selle, et attendit quelques secondes que ses mains arrêtent de trembler.

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